Vos collaborateurs ont-ils envie d’apprendre ?
Analyse des facteurs de création d’habitude d’apprentissage en entreprise.
--
Dans l’épisode précédent, je vous contais l’histoire de la révélation que j’eue un dimanche matin sur le côte d’azur.
En effet ce matin-là, divaguant sur les raisons qui me motiveraient à faire un effort pour apprendre (en utilisant mon smartphone), j’inventais très humblement la formule de l’engagement : E=MC2 (Rappelons-le, largement inspirée des travaux du Dr BJ Fogg).
Engagement = Motivation * Capacité * Coup de coude
C’est alors, vous disais-je, que plongeant sous ma douche et bénéficiant probablement d’un afflux soudain de dopamine, une seconde révélation me vint…
Créer une habitude d’apprentissage
Vos collaborateurs ont-ils envie d’apprendre?
L’immense majorité répondrait “oui” à cette question mais évoquerait aussi une longue liste de freins à l’action comme :
- “Je n’ai pas le temps” (problème de Capacité ou aussi de Motivation)
- “La journée passe vite, je n’y pense pas” (Coup de coude)
- “Les formations en salle sont réservées à une élite et le e-learning de ma boite est vraiment nul” (Capacité et Motivation)
- “J’ai perdu mon mot de passe” (Capacité et Motivation)
- “On me demande de vendre, pas d’apprendre!” (Coup de coude)
- “Je suis un expert, je n’ai plus besoin d’apprendre” (Motivation)
Pourtant les managers et chefs d’entreprise sont conscients que la performance de leur organisation dépend en large partie de la performance de chaque individu qui elle même dépend de sa capacité à apprendre et progresser en permanence. Un environnement professionnel qui permettant à chacun d’accéder au meilleur des connaissances est également un facteur de motivation majeur pour satisfaire et retenir ses employés les plus talentueux.
Cependant apprendre et convertir de nouveaux savoirs en comportements est un processus complexe qui prend du temps. Or c’est une problématique qui n’est pas parfaitement adressée par une approche purement évènementielle de la formation. Les dirigeants doivent également mettre en place la technologie et les processus organisationnels qui permettent une formation continue et sur demande pour tous leurs collaborateurs.
C’est pourquoi, je vous propose de reconsidérer notre équation de l’épisode précédent sous l’angle de la création d’habitude.
Qu’est ce qu’une habitude? C’est un comportement que nous reproduisons de manière récurrente. Ce faisant il devient toujours plus simple à accomplir et nécessite moins d’énergie pour être activé.
Les chercheurs représentent habituellement une boucle d’habitude de cette manière :
Appliquons maintenant ce schéma à la problématique de l’apprentissage en continu, en y injectant la formule de l’engagement E=MC2.
Ce schéma est issu d’une conférence que j’ai eu le plaisir d‘animer récemment dans le cadre du séminaire international des formateurs d’un géant mondial du luxe. Je m’excuse pas avance auprès du lecteur pour le mélange d’anglais et de français. Je ferai en sorte d’être le plus clair possible (et sinon incendiez-moi dans les commentaires).
Trigger est le signal, le coup de coude, un évènement qui va attirer l’attention de l’apprenant et déclencher l’envie ou le besoin d’apprendre.
Par exemple :
- Une entrée dans son agenda
- Une notification sur le smartphone ou par email
- Une sollicitation du manager ou d’un pair
- Un réflexe quotidien, une routine mise en place par le collaborateur
- La curiosité provoquée par un message visuel (une affiche ou un article de blog)
Learning routine est l’action d’apprendre (c’est à dire le résultat de l’engagement) quelle que soit sa modalité : lire un article, écouter un podcast, regarder une vidéo, participer à une classe en ligne ou en salle, répondre à un quiz, discuter avec un expert, prendre part à des jeux pédagogiques ou des expériences phygitales.
Reward représente un moment de satisfaction résultant de l’expérience d’apprentissage. Il peut être provoqué par la délicieuse dégustation d’un cookie que vous vous êtes offert pour vous récompenser de votre effort, ou un sentiment de progression qui flatte votre égo, une reconnaissance sociale car vous êtes monté(e) sur la plus haute marche du podium grâce à vos résultats sur un quiz et vos pairs vous félicitent, la satisfaction d’avoir découvert un sujet qui vous passionne, le plaisir d’avoir résolu un problème grâce à votre apprentissage …
Le centre du schéma symbolise la technologie et les processus que vous avez mis en place pour faciliter cette habitude d’apprentissage.
Intéressons-nous maintenant aux états de transition.
Faciliter l’accès au dispositif d’apprentissage
Pour maximiser le taux de conversion entre le désir d’apprendre provoqué par notre coup de coude (trigger) et l’action d’apprendre (learning routine), il faut ménager un accès le plus simple possible à cette action. C’est la phase de transition easy access qui correspond à la capacité de notre équation initiale E=MC2.
Dans le contexte d’un dispositif de formation digitale continue, cela signifie que l’accès en est très rapide : directement depuis les outils du quotidien par exemple, avec un puissant moteur de recherche, ou immédiat sur son smartphone sans même avoir besoin de se connecter. Si on parle de formation présentielle ou synchrone, cela veut dire qu’il est simple de s’inscrire à une session ou d’accéder à un expert. La capacité peut concerner également le temps disponible pour apprendre ou les moyens de son compte CPF par exemple.
Se concentrer sur l’expérience de formation
Pour que l’activité d’apprentissage (learning routine) puisse provoquer un sentiment positif de satisfaction (reward), il faut travailler sur tous les facteurs qui en font une expérience d’apprentissage exceptionnelle (great user experience).
Parmi ces facteurs on peut citer :
- La qualité du contenu d’apprentissage,
- Sa pertinence par rapport au besoin de l’apprenant (en terme de sujet, de difficulté, de format),
- La dimension sociale de la formation (interactions avec ses pairs, apprendre en groupe),
- Le plaisir induit par une gamification de l’expérience, par un aspect surprenant,
- L’émotion et le sens que cela revêt pour l’apprenant.
Favoriser une culture d’apprentissage
Enfin, le sentiment de satisfaction (reward) vient nourrir une posture, un état d’esprit (right mindset) qui permettra de maximiser la motivation à répondre au prochain signal (trigger). La boucle est bouclée!
C’est l’aspect le plus immatériel de notre boucle d’apprentissage. Il constitue à proprement parler la culture d’apprentissage de votre organisation, c’est à dire l’ensemble des croyances et des habitudes qui favorisent la motivation et la possibilité d’apprendre dans votre entreprise.
Epilogue
Fort de cette modélisation, je vous propose d’aborder en détail dans les prochains épisodes de cette série chacune des trois étapes de transition et de se poser des questions comme :
- Quels sont les signaux les plus efficaces ?
- Comment faciliter l’accès à la formation ?
- Quelles sont les modalités de formation qui fonctionnent le mieux en fonction du contexte et délivrent la meilleure expérience ?
- Comment créer un sentiment de satisfaction et nourrir la motivation de l’apprenant ?
- Quels sont les attributs et les routines d’une bonne culture d’apprentissage ?
Je partagerai avec vous le fruit de mon expérience mais surtout celle des meilleurs professionnels du secteur avec lesquels j’ai eu le privilège de travailler et d’échanger.
A suivre …