Et si on fermait définitivement nos bureaux?

Pensées sur le télétravail, la culture d’entreprise et la nouvelle utilité relative d’un siège social.

On peut se poser la question ce mois de novembre 2020 en déambulant dans les locaux vides de Teach on Mars.

Avoir un bureau par personne, où même avoir un bureau tout court est-il encore pertinent ? La question n’est pas complètement nouvelle mais elle se pose avec toujours plus d’acuité à l’occasion de la deuxième vague de confinement. Nos beaux et grands locaux de Sophia-Antipolis vont-ils se transformer en business center pour nos salariés qui y viendront à la carte pour y trouver réconfort social ou pour une rare réunion physique ?

Soyons lucides : la problématique n’est plus de savoir si le télétravail va perdurer après la crise du COVID-19, mais quelle sera notre politique future en matière d’hybridation du travail.

Cette question est particulièrement intéressante dans le cadre de Teach on Mars, éditeur d’une solution de formation digitale, car nous prônons le « blended learning », c’est à dire l’hybridation des modes de formation. L’idée est que les processus de formation deviennent plus efficaces lorsque l’on mixe intelligemment différentes modalités (présentiel/digital/phygital, synchrone/asynchrone). Dans ce contexte, comment ne pas penser qu’il en est de même avec les modalités de travail ?

Je ne sais pas pour vous, mais notre CSE a vite posé la question de l’évolution de la politique de télétravail. Faut-il 2 jours ? 3 jours ? Libre ? Peut-on aller vivre à Bordeaux ? A Lille ? A Clermont-Ferrand ? Aux Antilles ? Les envies de campagnes et d’herbe (plus) verte se réveillent !

Chez Teach on Mars, la crise a secoué nos repères dans une culture d’entreprise historiquement très tournée vers le contact physique, les afterworks d’équipe, les séminaires à la montagne ou la plage dans notre beau département des Alpes-Maritimes.

Plus nous creusions le sujet et plus nous nous apercevions qu’il était complexe et que par conséquent, il était « urgent d’attendre » et de garder son sang-froid pour ne pas tirer trop vite de conclusions en pleine période de crise.

Dès le début de l’épidémie (mars 2020), nous avons mis 100% de la société en télétravail. D’un point de vue des workflows cela n’a pas été une révolution car notre société était déjà très largement digitalisée et le télétravail pratiqué de manière occasionnelle. Si j’estime que la performance individuelle des collaborateurs s’est maintenue à son niveau habituel, en revanche j’ai vite constaté que la performance collective pouvait être impactée si nous ne réfléchissions pas à la manière de préserver nos liens dans un contexte 100% digital.

La question d’être ou de ne pas être au bureau s’est alors confondue dans mon esprit avec la question de la préservation de la culture d’entreprise.

La presse a déjà largement disserté sur le sujet. Faisons un rapide résumé des avantages et inconvénients constatés.

Dans les PLUS :

  • La réponse à une demande de flexibilité, d’autonomie, de responsabilisation des collaborateurs.
  • Un impact écologique positif dû à la diminution des déplacements. Moins d’embouteillages!
  • La promesse pour l’entreprise d’optimiser ses dépenses immobilières.
  • La possibilité de pouvoir embaucher n’importe où dans le monde.

Dans les MOINS :

  • De nouvelles causes de stress : la solitude, une communication moins efficace demandant plus d’effort d’interprétation, des indigestions de réunionnite virtuelle.
  • L’effritement potentiel du lien social et de la culture d’entreprise.
  • La baisse de la créativité due à la disparition des conversations impromptues de couloirs et de machines à café.
  • Une certaine déshumanisation du travail avec des relations désincarnées, un blurring accentué, une charge mentale parfois accrue par le présenteisme numérique.

A cela il faut ajouter que tous les salariés ne sont pas égaux devant le télétravail (conditions matérielles, enfants qui courent derrière la caméra), et que toutes les sociétés ne le sont pas non plus (taux d’activité digitalisable, culture distancielle ou présentielle).

Vous trouvez que le problème est simple ?

Clairement, il va falloir désapprendre des pans entiers de notre culture managériale et définir de nouveaux repères en matière d’hybridation home/office, de performance et surtout de culture d’entreprise.

Notre meeting room “Centaure”, un nom prémonitoire pour parler hybridation?

Je vois 3 facteurs clés de succès pour réussir cette transformation.

Plusieurs éléments sont à considérer et expliciter pour exploiter le meilleur du présentiel et du digital:

  • Les meetings : quand doit-on faire un meeting physique (Kick-off de projets, résolution de tensions, rencontre de nouveaux collaborateurs, entretiens trimestriels), quels sont les meetings digitaux qui doivent être synchrones ? Asynchrones ? Quel format : plus courts, mieux documentés, mieux définis à l’avance. Un « meeting guide » me parait indispensable.
  • Les moments de partage et de célébration : la désincarnation des relations nous oblige à être plus attentifs aux processus d’inclusion, aux canaux informels (virtual coffee, canaux Slack) et aux moments de partages digitaux. A titre d’exemple, nous avons un rendez-vous mensuel « Company Meet-Up » avec toute la société pour partager nos projets et réussites entre équipes et se tenir au courant de l’avancement de la stratégie. En revanche, il n’est pas question de rendre digitaux nos célèbres Summer Camp et Winter Camp!
  • Les canaux de communication : formaliser l’utilisation des messageries temps-réels, de la newsletter interne, des outils métiers, du mail afin de rationaliser et canaliser au maximum la communication formelle.
  • La fonction des bureaux : le siège social chez nous reste indispensable à la fois comme lieu où se retrouver et travailler dans de bonnes conditions, mais aussi comme lieu « totem » d’incarnation physique de la marque. Nous avons sous-loué une partie de nos locaux à trois petites entreprises de la technopole et, au-delà de l’aspect financier, cela se révèle d’une grande richesse en terme de brassage d’idées et d’animation du lieu. Cela préfigure peut-être une tendance tribale « inter-entreprises » qui consiste à mutualiser des moyens comme alternative à l’utilisation de business center. L’avenir nous fera peut-être investir dans des cafés privés ;-) ou des lieux de rencontres régionaux pour regrouper d’éventuels salariés ou clients dispersés sur le territoire.
  • La tech stack : chez ToM, nous utilisons essentiellement Slack pour les meetings asynchrones, GMeet/Zoom pour les meetings en visio, Gmail pour la messagerie et Asana pour la gestion de projet et le pilotage des objectifs. A cela, il faut ajouter bien sur l’App Teach on Mars [PUB] pour délivrer les formations métiers/développement personnel, les onboarding et renforcer la culture d’entreprise.

Un des éléments les plus positifs du télétravail est la notion de confiance que cela suppose. Plus de micro-management possible! Les méthodes du type « command & control » deviennent moins efficaces. Le manager doit revoir son rôle et travailler ses compétences de coach, de facilitateur, de pédagogue et de guide garant du suivi de la stratégie et de la feuille de route.

Le télétravail porte également une exigence nouvelle sur la clarté et les moments d’échanges sur la stratégie, la gouvernance, les objectifs, la définition des rôles et de l’organisation. Chez Teach on Mars nous avons formalisé un guide “Constellation” sur tous ces aspects.

Enfin, cette clarté et cette confiance doivent être mis au service de la performance. Celle-ci doit être reconnue et valorisée non plus par le simple présentéisme mais par un bon système d’entretiens, de check-ins et de formalisation de données (indicateurs métiers, suivi d’objectifs).

Le facteur le plus fondamental à mon sens est le travail sur la culture d’entreprise. C’est elle qui au final nous tient chaque jour ensemble et nous permet de prendre des décisions cohérentes dans la durée. A l’instar de la performance, elle doit bénéficier d’un meilleur formalisme et de processus métiers identifiés.

  • Un guide sur la vie de tous les jours et les règles de l’entreprise (chez nous, il s’appelle “Life on Mars”) : bien-être, sécurité, règlement intérieur, conditions sanitaires, règles de déconnexion …
  • Une meilleure expression des valeurs de l’entreprise : comportements observables attendus, ADN de la société, repères de décision. Chez nous c’est un effort à réaliser car nous avons considéré jusqu’à présent que les valeurs se vivaient, mais ne s’écrivaient pas. Le télétravail et la rarification des rencontres changent clairement la donne.
  • Une vraie culture de l’apprenance : parcours d’onboarding, développement personnel, sujets sociétaux, formations métiers. Elle doit s’appuyer sur toutes les modalités disponibles : formations externes, mooc, microlearning, learning café, coaching et reposer sur une excellente technologie de formation [PUB 2 ;-)].

Alors à quoi va ressembler le travail dans dix ans ? Le choc du COVID a déjà déplacé pour certains d’entre nous son centre de gravité : il s’organise autour de notre vie personnelle et non plus l’inverse. De plus, quand je vois mes enfants faire leurs devoirs en live avec leurs copains sur Discord, un casque-micro sur les oreilles, je me dis que le futur sera très digital et toujours aussi social.

Qu’on le veuille ou non, la manière dont on tisse des liens dans le travail et dont on fait société est en train de changer, mettant en cause profondément nos habitudes managériales et nos cultures d’entreprise.

Et vous, comment vivez-vous ces changements ?

Mission Prima Expedition en 2017 pour apprendre à travailler sur Mars ;-)

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Vincent Desnot. Computer engineer. Passionate entrepreneur & sailor. Founder & CEO of Teach on Mars (2013), the mobile learning European leader.

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The Martian Chronicles

Vincent Desnot. Computer engineer. Passionate entrepreneur & sailor. Founder & CEO of Teach on Mars (2013), the mobile learning European leader.